Séminaire interne – Traces éphémères
Séance de séminaire proposée par l’axe 4 (Traçabilité, identités et mémoires numériques)
Argumentaire
Alors qu’on ne peut plus ne pas laisser de traces, quelles places et quelles fonctions l’environnement numérique accorde-t-il à l’éphémère ?
Les revendications d’un droit à l’oubli (désormais entré dans la pratique) et le succès des applications où les contenus échangés sont censés rester éphémères ont attiré l’attention sur une (nouvelle ?) demande de non-traçabilité, qui reste à interroger. Recherche de confidentialité, de tranquillité, de légèreté, écriture mobile, nouvelle littératie numérique ou simplement dernière promesse d’un marché des données qui épouse au plus près l’évolution des usages ?
Parallèlement, l’évolution des techniques de numérisation et de captation comme des logiques médiatiques semble réduire chaque jour davantage la distance qui séparait le temps de l’archive de l’éphémère. Quantité d’objets infocommunicationnels destinés à ne pas durer (tracts, tags, fresques, tweets…) sont désormais documentés et agrégés au même titre que des contenus pensés d’emblée comme pérennes. L’archive est alors sommée de s’adapter aux éphémères, jusqu’à devoir se constiter en temps quasi réel.
En quoi les logiques d’archivage et de documentation sont-elles affectées par ces évolutions ? Et que nous apprennent les éphémères dans une culture de la trace numérique ? Telles sont quelques-uns des questions que nous voudrions soulever lors de cette séance, où nous vous proposerons 3 interventions.
Programme
- Louise Merzeau (Dicen-IDF)
Tout tracer, même l’éphémère (Introduction)
- Laurence Allard, Maître de conférences, Sciences de la Communication, IRCAV-Paris 3/Lille 3, sociologue des usages numériques – http://culturesexpressives.fr/doku.php
Chasser l’éphémère, une vie sous capture d’écran
A travers des corpus de photos et vidéos mobiles (snaps et live) confectionnés à partir d’applications mobiles, nous interrogerons l’offre d’images mobiles dites éphémères ainsi que leurs braconnages qui modèlent notamment chez les jeunes usages une forme de vie socio-numérique que l’on peut décrire « sous capture d’écran ». La compréhension de ces jeux avec le temps agencés à travers les narrations made by mobile suppose de défaire le mythe des images éphémères au profit d’une conception de la vie connectée en termes de synchronicité expressive.
- Valérie Schafer (Docteur en histoire HDR, spécialiste d’histoire des télécommunications et de l’informatique et des questions de patrimonialisation du numérique, pilote du projet ANR Web90) et Zeynep Pehlivan (Ingénieur de recherche à l’Ina),
De #jesuischarlie à #offenturen : archivage du patrimoine nativement numérique face aux attentats.
Quelles sont les traces numériques laissées par la réactivité aux attentats ? Comment a été envisagé leur processus de captation et d’archivage en temps réel ? Comment documenter ce type de corpus pour la recherche ?
Dans un 1er temps,Valérie Schafer présentera ce projet récemment validé par le CNRS, notamment pour le situer dans le contexte européen de la fabrique du patrimoine nativement numérique, confrontée aux disruptions de l’événement.
Dans un second temps, après une rapide introduction sur l’archivage du web à l’ina, Zeynep Pehlivan se focalisera sur la collection Twitter de l’InaTHEQUE (spécialement sur les attentats) et sur ses enjeux techniques. Son intervention se terminera par une démonstration de l’interface de consultation des tweets archivés qui sera mise à dispositions des chercheurs.
- Julien Hage (Dicen-IDF)
Éphémères de crise, mise en crise de l’archive ?
Toutes les crises politiques et sociales, jusqu’aux attentats récents, ont provoqué une explosion médiatique considérable « d’éphémères », de toutes sortes, typiques du temps court, qui ont constitué un défi au recueil et à l’archivage contemporains. Le numérique accentue le retour et les usages dans l’espace public de ces traces aujourd’hui numérisées, patrimonialisées et redocumentarisées, renouvelant encore la mise en crise de l’archive qu’ils constituent, dans l’instabilité de l’environnement numérique.
Sélection de références biblio-webographiques
- Laurence Allard, De l’hypertexte au « mobtexte » : les signes métissés de la culture mobile. Ecrire quand on agit, Caroline Angé (dir.), Les objets hypertextuels. Pratiques et usages hypermédiatiques, Iste Editions, 2015 Version de travail en ligne.
-
danah boyd, « Risk Reduction Strategies on Facebook », apophenia, November 8th, 2010.
- Yves Citton, Improvisation, rythmes et mondialisation. Quatorze thèses sur la fluidification sociale et les résistances idiorrythmiques, Textuel n° 60 (2010), p. 127-146.
- Hubert Guillaud, Les échanges éphémères pour avoir l’impression de reprendre le contrôle de ce dont on est dépossédé ? InternetActu, 19/04/2013.
- Éternel éphémère, Les Cahiers de médiologie N°16, 2003.
- André Gunthert, Données éphémères, un trou de mémoire?, Image sociale, 19/10/2014.
- Julien Hage, Éphémères d’hier, éphémères d’aujourd’hui : quel « retour numérique » ?, Fabula / Les colloques, Les éphémères, un patrimoine à construire.
- Louise Merzeau, L’Intelligence des traces, Intellectica, Association pour la Recherche sur la Cognition, 2013, 1 (59), p.115-135.
-
Sarah Perez, The Rise Of The Ephemeralnet, Techcrunch, (traduction sur InternetActu)
Quelques liens utiles :
- Ateliers du dépôt légal du web à l’Ina
- Colloque Temps et temporalité du web organisé par l’équipe du projet ANR Web90
- Site de la Grande Collecte (mission Centenaire 14-18)
- Snapchat : ce que la société dit d’elle-même (blog) – ce que Wikipédia en dit